1889. Paris bouillonne, la mode s’invente à chaque coin de rue, mais une jeune modiste va, sans bruit, changer la donne. Elle ouvre sa boutique, trace son sillon, et la maison qu’elle fonde ne cessera jamais d’inspirer. Lanvin n’est pas née dans le fracas, mais chaque création porte en elle un écho : celui d’une vision qui refuse de s’éteindre.
Aux origines de Lanvin : une maison née d’un amour maternel
Au cœur du Faubourg Saint-Honoré, Jeanne Lanvin débute à vingt-deux ans, modiste à Paris, en 1889. Rapidement, elle se distingue, non en habillant d’abord la haute société, mais en créant pour sa propre fille, Marguerite. Ce geste, loin de toute stratégie marketing, va pourtant tout déclencher. Les clientes, fascinées par la délicatesse de ces tenues pour enfants, en réclament autant pour leur progéniture. L’engouement grandit, les demandes fusent, et bientôt, ce sont les mères elles-mêmes qui souhaitent porter ces lignes raffinées.
Jeanne Lanvin sent le potentiel de cette dynamique : elle élargit alors son offre, lance en 1908 un département jeune fille, puis se tourne vers la femme. Installée au 22 Rue du Faubourg Saint-Honoré, la maison prend son essor. Ce n’est pas seulement une affaire de mode, c’est une façon d’envisager la féminité. Sobriété, tissus de choix, palette inédite de couleurs : la signature Lanvin se précise.
Ce lien mère-fille, fondateur, irrigue chaque fibre de l’identité Jeanne Lanvin Paris. Il inspire le célèbre logo : une silhouette stylisée de Jeanne et Marguerite, désormais emblème du patrimoine parisien. Au fil des années, la maison s’affirme par cette tendresse créative, loin des diktats. Habiller toutes les générations, c’est, chez Lanvin, une conviction, presque un manifeste. L’aventure commence ainsi : par l’amour, l’instinct et la volonté d’offrir à toutes un style qui leur ressemble.
Qui était Jeanne Lanvin, pionnière de l’élégance parisienne ?
Née en 1867, issue d’un milieu bien éloigné des fastes de la mode, Jeanne Lanvin apprend très tôt le métier, les mains dans les étoffes, auprès de modistes aguerries. Adolescente, elle arpente Paris, observe, retient chaque détail. L’exigence, chez elle, ne relève pas du dogme, mais d’une passion minutieuse pour le travail bien fait.
La naissance de Marguerite cristallise son talent. Jeanne imagine pour sa fille des vêtements d’une rare finesse : robes aériennes, broderies délicates, associations de matières audacieuses. Paris ne tarde pas à s’en émouvoir. Le bouche-à-oreille fonctionne à plein, et très vite, Jeanne Lanvin impose une vision neuve : élégance sans ostentation, sophistication adaptée au quotidien, refus du formatage.
En 1909, elle franchit une étape décisive en rejoignant la Chambre Syndicale de la Couture. Sa maison, toujours au 22 Rue du Faubourg Saint-Honoré, devient un laboratoire où le goût moderne s’invente. Jeanne Lanvin ne cloisonne rien : elle crée pour les femmes, pour les jeunes filles, toujours en quête de liberté et de subtilité. Sa discrétion contraste avec l’audace de ses propositions. Sa trace dans l’histoire de la mode française est profonde, durable, et se mesure bien au-delà des podiums.
Des robes à l’iconique bleu Lanvin : comment la marque a façonné la mode
À une époque où le clinquant règne, la Maison Lanvin choisit une autre voie. Dès les premières décennies du XXe siècle, Jeanne Lanvin ose la couleur : le fameux bleu Lanvin, né d’une inspiration florentine, s’impose. Ce bleu profond, lumineux, signe la différence. Il habille les robes, les manteaux, les accessoires, et devient immédiatement reconnaissable.
Mais Lanvin ne s’arrête pas là. La maison s’entoure d’artistes marquants de l’Art Déco : Armand Albert Rateau conçoit tout un univers raffiné, des meubles jusqu’aux flacons de parfum. Paul Iribe, de son côté, imagine des motifs d’une grande audace. Ce dialogue entre couture et arts décoratifs fait de Lanvin Paris une référence incontournable.
Ce sont aussi les innovations vestimentaires qui forgent la réputation de la maison : lignes souples, broderies sophistiquées, silhouettes structurées. En 1927, la sortie du parfum Arpège marque un cap : l’élégance Lanvin s’exprime désormais jusque dans le sillage laissé par ses clientes. Le flacon, chef-d’œuvre de Rateau, figure aujourd’hui dans les collections du musée des arts décoratifs.
Lanvin continue d’ouvrir la voie, du prêt-à-porter masculin (Lanvin Homme) aux collaborations contemporaines, comme avec H&M. Les nouvelles collections, automne-hiver, éditions limitées, parfums comme Éclat Arpège ou Modern Princess, prolongent cet esprit d’indépendance, fidèle à l’audace fondatrice, et toujours en avance sur leur temps.
Lanvin aujourd’hui : entre héritage précieux et renouveau créatif
La Maison Lanvin n’a rien d’un musée figé. Après le départ d’Alber Elbaz (2001-2015), véritable magicien de la direction artistique Lanvin, la maison s’est offerte à de nouveaux horizons. Plusieurs directeurs se sont relayés, chacun cherchant à marier respect du passé et souffle contemporain. Bouchra Jarrar, Olivier Lapidus, puis Bruno Sialelli (nommé en 2019) ont tenté, tour à tour, d’ancrer Lanvin dans la modernité, tout en renouant avec l’audace de ses débuts. Sialelli, notamment, a misé sur des récits visuels, une énergie jeune, et un regard frais sur les collections.
Portée par le Lanvin Group de Shaw Lan Wang, la marque accentue son rayonnement mondial. Paris, New York, Tokyo : son réseau de boutiques internationales s’étend, signe d’une stratégie assumée. Les collections, elles, jonglent entre références au patrimoine (bleu Lanvin, broderies, coupes intemporelles) et propositions résolument actuelles, à travers des volumes nouveaux, des matières inattendues, ou des collaborations qui bousculent les habitudes.
Pour mieux saisir cette dynamique, voici quelques jalons récents de la maison :
- Bruno Sialelli, directeur artistique jusqu’en 2023
- Passation à Peter Copping, nouvelle ère annoncée
- Lanvin, maison la plus ancienne de la couture française encore en activité
Défilés parisiens, lancements de parfums, nouvelles lignes d’accessoires et de chaussures… Lanvin prouve que fidélité et invention peuvent marcher main dans la main. La marque, forte d’un héritage précieux et d’une capacité d’adaptation rare, poursuit sa route. Entre la mémoire de Jeanne Lanvin et les élans du présent, l’histoire continue, et chaque saison, le regard se tourne vers le prochain chapitre.
